Fernando Alonso : l'équipe Renault a été fantastique
Fernando Alonso : l'équipe Renault a été fantastique
La dernière interview du champion du monde avant qu'il quitte le Renault F1 Team pour McLaren.
La pression devait être immense. Avez-vous jamais douté de la capacité de l'équipe à gagner le championnat ?
FA : Vous voyez le vrai caractère d'une personne ou d'une équipe lorsqu'elles sont sous pression et l'attitude de Renault et de Michelin fut simple : il fallait se battre pour revenir dans la course et le faire avec la manière, dans le respect du sport. Pour moi, cela a été une grande leçon de vie, au-delà même de la Formule 1. Nous avons travaillé sur la mise au point de la voiture sans les amortisseurs de vibrations, Michelin a cherché à améliorer ses enveloppes et les gars à Viry ont travaillé nuits et jours pour régler le problème moteur que nous avions eu ; à tous les niveaux, la détermination était incroyable. A partir de Monza, nous savions que nous avions de nouveau la voiture pour gagner et nous l'avons montré en Chine, où la victoire nous a finalement échappé pour d'autres raisons. C'est là, le seul moment où j'ai douté mais ensuite je me suis dit que le chemin à parcourir était encore long et que tout était possible.
La pression que vous avez subie venait principalement du fait que vous vous battiez avec une légende vivante de la discipline, Michael Schumacher. Racontez nous cette bataille…
FA : Cela a été fantastique de pouvoir se battre contre Michael, un privilège pour moi. J'ai dit en 2005 que c'était important pour moi de devenir champion du monde alors que Michael était toujours en activité, pour la valeur et la reconnaissance que les gens à l'extérieur du petit monde de la Formule 1 accordent au championnat. Mais les gens ont dit que nous ne nous étions pas affrontés directement en 2005, cette année, cela a été moi contre Michael à chaque course. Les livres d'histoire retiendront que les deux derniers championnats du monde auxquels il a participé ont été gagnés par Fernando Alonso et j'en suis très fier. Pour le futur, je ne peux que lui souhaiter le meilleur pour lui et sa famille. Cela a été un plaisir de courir contre lui.
En revenant sur la saison, on a l'impression qu'elle s'est déroulée en plusieurs phases bien distinctes. Dans la première moitié vous étiez quasiment intouchable…
FA : Nous avons eu un très bon début de saison, sans aucun doute. Nous étions prêts pour la première course, notre voiture était prête tout comme notre moteur après le travail remarquable de l'équipe de Viry. Nous avons été capables de gagner les trois premières épreuves car notre package était peut être déjà à 95% de son potentiel. Mais il ne faut pas oublier qu'à Bahreïn, je ne bats Michael que de quelques mètres alors qu'il sort des stands lors de son dernier arrêt et il nous a ensuite battu à Imola et au Nürburgring. Ferrari était là, très proche de nous dès le début et ils avaient encore un peu à gagner sur leur package. A la mi-saison, les gens disaient que le championnat était joué mais cela n'a jamais été notre sentiment au sein de l'équipe. Nous savions que nos concurrents étaient forts et que l'avantage pouvait basculer d'un moment à l'autre. Nous devions continuer d'attaquer et ne rien considérer comme acquis.
Indianapolis semble être le moment où tout a basculé, lorsque Ferrari a pris l'avantage…
FA : Indianapolis a été un week-end difficile pour moi et au milieu de l'été nous avons subi une grande pression au sein de l'équipe. Les Bridgestone avaient clairement l'avantage dans des conditions de piste plutôt chaudes comme à Magny Cours ou Hockenheim et nous avons aussi subi l'interdiction des mass dampers. Cela a été la première décision à nous mettre sous pression. Il y en a eu une autre en Hongrie où nous avons commis une erreur qui nous a coûté la victoire, et enfin Monza, avec cette pénalité en qualifications. En Italie, les choses se sont aggravées avec la casse moteur que nous avons subie et qui a vu tous nos efforts réduits à néant. A la fin de l'été, nous étions quasiment à égalité au championnat et à ce moment là tout le monde considérait que la victoire ne pouvait plus échapper à Ferrari.
Vous laissez filer des points importants en Chine puis à Suzuka une semaine après, vous avez piloté de façon extraordinaire alors que Michael abandonnait…
FA : Je savais que les Ferrari étaient rapides mais j'étais persuadé que les Renault l'étaient aussi. Et j'avais la certitude que le temps remettrait les choses en ordre, à la place que chacun méritait. Nous avons perdu notre avantage à Monza et Ferrari nous l'a rendu au Japon, tout entrait dans l'ordre au final. Cela fait parti du sport, c'est ça aussi la Formule 1. J'ai toujours cru que nous méritions ce championnat et que dans un sens, nous devions prouver que le sport est plus important que tout.
Fernando, vous êtes le plus jeune double champion du monde que la Formule 1 ait connu. Cela doit être un sentiment très fort ?
FA : C'est incroyable ! En passant la ligne d'arrivée, comme l'an dernier, j'étais champion mais je ne pouvais pas vraiment réaliser ce qui venait de se passer. Mais chaque jour passe et je suis un petit peu plus fier de ce que j'ai réalisé avec l'équipe Renault. Et au fil des années, je suis persuadé que ce sentiment grandira en moi. Gagner deux titres de champion du monde dans la discipline la plus noble du sport automobile est un sentiment extraordinaire.
Avez-vous célébré cette victoire ?
FA : Il y a eu depuis de nombreux événements organisés mais les plus importants ont été ceux que nous avons faits après le Grand Prix avec l'équipe de course et ensuite à Enstone puis à Viry et enfin chez moi, à Oviedo. Pour moi, c'était très important de remercier les équipes des usines car c'est là que le championnat a commencé, grâce à leur travail appliqué. Et aussi car ils m'ont beaucoup appris cette année sur le fait d'être toujours fair-play et cette approche du sport que je garderai en moi toute ma vie. Comme pour mes supporters Espagnols, qui ont été fantastiques - je crois que ce sont les meilleurs au monde -, je devais leur dire merci en personne, pas uniquement par voie de presse.
Cela doit presque être irréel pour vous de vous retrouver face à plusieurs dizaines de milliers de personnes dans votre ville natale, dans les rues que vous empruntiez étant plus jeune…
FA : Oui ça l'est car je n'ai pas la sensation d'avoir changé en tant que personne. Mais leur soutien a été incroyable cette année, pas uniquement à Barcelone mais vraiment partout. Ils ont été derrière moi lorsque nous étions performants en début de saison mais lorsque nous semblions perdre notre avantage, leur soutien n'a pas fléchi, au contraire, il était à plus de 200% de ce qu'il était au départ. Lorsque j'étais à Oviedo, j'ai vu dans la foule un jeune bébé portant une casquette bleue Alonso et un vieil homme portant les couleurs bleue et jaune également. Le soutien, l'émotion de ces gens, c'est ce qui compte pour moi. Ils sont tous double champion du monde en Espagne.
Vous tournez une page en cette fin de saison 2006. Etes-vous triste de dire au revoir… ou avez-vous hâte d'entamer vos nouveaux projets ?
FA : Un peu des deux à vrai dire. Vous savez, l'équipe Renault a été fantastique. Ils sont comme ma famille en Formule 1 et ils seront toujours dans mon cœur. J'ai des souvenirs formidables de nos années passées ensemble, ce chemin parcouru jusqu'aux célébrations après la course. Michelin s'en va également et cela représente beaucoup pour moi car je n'ai jamais roulé qu'avec Michelin depuis 2001. Cette année, cela aurait été si facile pour eux de se relâcher, simplement car ils savaient qu'ils s'en allaient. Ils ont connu des épreuves dans leur société mais aussi sur la piste. Mais ils ont tenu à montrer qu'ils avaient l'esprit de la course et qu'ils aimaient ce sport. Ils sont revenus plus forts et nous ont apporté l'avantage dont nous avions besoin pour gagner le titre. A Renault et à Michelin, je ne peux que dire merci et être heureux que nous ayons été capables de finir les choses comme il faut, en tant que champions. Maintenant, je me lance dans une nouvelle aventure.
Vous serez le seul champion du monde du plateau en 2007…
FA : Je ne pense pas que cela change quoi que ce soit pour moi ou dans mon approche. J'ai toujours cru que pour devenir champion c'était l'ensemble du pilote et de la voiture qui permettait de faire la différence. Vous ne pouvez pas devenir champion sans une bonne voiture et c'est ce que j'ai eu ces dernières années. Lorsque je courais pour Minardi, je me battais pour ne pas finir dernier et je ne crois pas avoir tant changé depuis cette époque.
Pensez-vous pouvoir gagner l'an prochain avec McLaren ?
FA : McLaren est une équipe très solide, avec d'importantes ressources. Ils n'ont pas fait une belle saison cette année mais nous allons travailler dur pour que je puisse être à 100% en 2007. Bien entendu, comme avec chaque équipe, il y aura un temps d'adaptation. Mais je roulerai à mon maximum, comme toujours, pour essayer de gagner.
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum